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Flash Spécial nº3 | Pourquoi les marchés sont revenus à leur niveau d'avant-guerre ?

Stratégie  —  25/03/2022

Didier Bouvignies

Associé-Gérant, Directeur des gestions

Après avoir fortement corrigé entre le 22 février et le 8 mars, avec une baisse de 9% de l’indice STOXX Europe 600 et 12,2% de l’indice Euro Stoxx 300(1), les marchés ont depuis fortement rebondi.

Sur la période du 22 février dernier, veille de l’invasion de l’Ukraine, au 22 mars, le MSCI World affiche une hausse de 3,7% en devises locales et de 6% en euros. Les États-Unis progressent de 7,8% en euros, quand l’Europe se trouve quasiment à l’équilibre et la Zone euro en léger retrait. Depuis le début de l’année, la baisse de l’indice mondiale (MSCI World) se limite à 5,2% en devises locales et 3% en euros. La situation diffère quelque peu pour les marchés de taux, avec de nouveaux reculs sur la période récente qui accentuent la baisse observée depuis le début d’année, pour s’établir à -5,5% pour les obligations crédit (iBoxx EUR Corporates), -4,9% pour les obligations d’État et -5,1% pour le segment High Yield(2) (ICE BofA Euro High Yield Indice)(1).

Comment justifier ce rebond ?

L’effacement de la quasi-intégralité des pertes subies depuis début mars peut s’expliquer, en partie, par le contexte géopolitique ; alors que l’on constate un enlisement de la situation en Ukraine, le marché semble tabler sur l’éventualité d’un aboutissement du processus de négociation. Par ailleurs, l’absence de sanction susceptible d’entraîner une coupure d’approvisionnement en hydrocarbures en provenance de Russie semble, pour le moment, exclue. Si les États-Unis, voire la Grande-Bretagne, auraient souhaité accroître la pression sur Vladimir Poutine en lui supprimant les revenus issus de la vente de ces ressources, la dépendance de certains pays européens, comme l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, et l’absence d’alternative empêche, pour l’heure, la mise en place de telles mesures. Dès lors, un mouvement de baisse a pu être observé sur les prix des matières premières par rapport au pic atteint le 8 mars dernier, en particulier sur le gaz dont le prix a été divisé par deux, et bien que le pétrole reste très volatil.

En Chine, alors que la chute des marchés s’était accélérée, notamment dans le secteur de la technologie, avec un recul de 41% du Nasdaq Golden Dragon China Index au plus fort de la crise(1), la volonté affichée par les autorités chinoises d’endiguer ce qui commençait à s’apparenter à un crash a eu pour effet de juguler l’hémorragie.

Enfin, paradoxalement, et contrairement à ce qui avait été anticipé, l’attitude des banques centrales demeure inchangée malgré la crainte que la guerre vienne entraver la croissance. La Fed, avec un ton particulièrement hawkish(3), a confirmé son intention de relever durablement ses taux sans écarter l’hypothèse de hausse pouvant atteindre 50 points de base (pdb), un niveau inhabituellement élevé. Cette posture a entraîné un fort mouvement haussier, en particulier sur les taux à 2 ans qui ont progressé de 45 pdb depuis le début du conflit et 140 pdb depuis le début d’année. Les répercussions ont été plus modérées sur les plus longues échéances, le taux à 30 ans ne progressant que, respectivement, de 30 pdb et 60 pdb(1).

Cet aplatissement de la courbe des taux(4) peut être interprétée de deux manières. La plus pessimiste, conformément à ce que l’on a pu observer dans le passé, se présente comme le prélude d’une entrée en récession de l’économie américaine. La seconde, plus optimiste, incite à estimer que la Fed, après avoir considéré l’inflation comme un phénomène transitoire, mobilise désormais tous les moyens à sa disposition pour prévenir l’amorce d’une inextricable spirale prix-salaires. Cette action permet également de maintenir les taux longs, bien qu’en légère hausse, à des niveaux relativement bas au regard de l’inflation, tandis que les taux réels demeurent en territoire négatif, soutenant ainsi les niveaux de valorisation des actions. Les sept hausses de taux actuellement anticipées par le marché permettent, par ailleurs, d’éviter à la Banque centrale américaine de se retrouver dans l’obligation d’accélérer le mouvement à plus longue échéance.

Comment a évolué l’environnement macroéconomique ?

Les dynamiques d’inflation diffèrent nettement de part et d’autre de l’Atlantique. Aux États-Unis, elle résulte essentiellement de hausses de salaire pour les tranches de revenus les plus basses, + 11%, contre +4% pour les tranches supérieures(5). L’épargne accumulée par ces dernières leur permet néanmoins de compenser une potentielle perte de pouvoir d’achat, limitant ainsi l’impact sur la consommation. En Zone euro, nous n’observons pas de hausse de salaire similaire mais l’épargne n’en reste pas moins abondante.

Cette perte de pouvoir d’achat a amené les instituts de prévision macroéconomique à réviser leurs perspectives de croissance à la baisse. Si ces révisions s’avèrent modestes au niveau mondial, elles se révèlent bien plus significatives pour la Zone euro. L’OCDE considère, en effet, que sa croissance sera inférieure de 1,4% par rapport à ses estimations de début d’année, quand la BCE envisage -0,6%, pour s’établir à +2,8% pour 2022. Néanmoins, ces prévisions n’entament, pour l’instant, que modérément les anticipations de résultats des entreprises. En Europe, le recul serait de l’ordre 4% par rapport à ce qui était attendu en début d’année(6), alors qu’aux États-Unis, elles ont encore progressé de 5%(7).

Par ailleurs, les investisseurs avaient d’ores et déjà “capitulé” lors de la semaine du 7 mars dernier avec un pic historique de rachats sur les fonds actions européens estimé à 13,5 milliards d’euros(8).

Si nous avions fait observer dans notre Flash Spécial du 25 février 2022 que, sur les 19 événements géopolitiques majeurs survenus depuis 1945, dans 78% des cas, les marchés effaçaient leurs pertes au bout de trois mois(9), nous convenons aisément que, cette fois, le mouvement s’est révélé encore plus rapide.

À quoi peut-on s’attendre au cours des prochaines semaines ?

Il nous semble que la situation actuelle reflète une certaine complaisance dans un contexte toujours incertain quant à l’issue du conflit russo-ukrainien et face à la potentielle mise en place de nouvelles sanctions de nature à bloquer l’approvisionnement en hydrocarbures russes. Toutefois, dans un environnement où, en dépit de la hausse des taux de la Fed, le coût de l’argent reste extrêmement bas, les investisseurs disposent encore de liquidités abondantes. En conséquence, dès qu’une éclaircie se présentera, ils devraient se montrer enclins à revenir sur les actifs qui leur procurent, sur la base des bénéfices 2022, des rendements aux dividendes et aux bénéfices nettement supérieurs à toutes les autres classes d’actifs.

D’autre part, au-delà du contexte géopolitique, les marchés évoluent sur une ligne de crête. La tendance inflationniste, liée principalement au prix des matières premières, se voit en grande partie supportée par les ménages au travers de hausse de prix et, partiellement, par l’érosion des marges des entreprises qui restent, pour autant, très élevées. Cet équilibre précaire peut néanmoins se maintenir tant que les taux longs restent bas, permettant ainsi d’éviter une récession engendrée par un effet de richesse(10) négatif, en particulier sur l’immobilier.

Quelles perspectives pour le marché d’actions dans ce contexte ?

Les marchés vont rester volatils, suspendus à l’évolution du conflit mais, plus encore, aux fluctuations de prix des matières premières. Leur cours est effectivement considéré comme la principale courroie de transmission des conséquences de cette guerre sur les économies développées, la Russie ayant un poids négligeable dans la balance mondiale et l’exposition au risque russe des établissements financiers étant relativement limitée, contrairement à ce qui prévalait en 1998. Tout dépendra donc de l’ampleur de la hausse du prix du baril de pétrole, de sa durée et de la capacité à trouver des sources de substitution (Iran ?, réserves stratégiques). Le fait que ces évènements arrivent à un moment où les économies américaines et européennes sont bien orientées et que la Chine manifeste des signes d’amélioration permettra d’amortir le choc. En revanche, cet environnement accroît les craintes inflationnistes.

Toutefois, gardons à l’esprit que l’évolution des marchés au cours des derniers jours révèle une anticipation de stagflation, pouvant paraître excessive à ce stade. La baisse de 15% des marchés de la Zone euro annule les deux tiers de leur hausse de 2021 et ramène les indices à leur niveau de fin 2020 alors que, dans le même temps, les bénéfices ont augmenté de 20%(9). En conséquence, les valorisations sur les marchés d’actions européens sont devenues plus attrayantes, avec des primes de risque en net rebond, conséquence de la baisse conjuguée des taux et des marchés. Le marché actions américain reste, quant à lui, moins vulnérable.

 

Achevé de rédiger le 24 mars 2022

 

(1) Source : Bloomberg, 22/03/2022.
(2) Les obligations “High Yield” (ou à haut rendement) sont émises par des entreprises ou États présentant un risque crédit élevé. Leur notation financière est inférieure à BBBselon
l’échelle de Standard & Poor’s.
(3) Positionnement en faveur d’une politique monétaire moins accommodante en vue de lutter contre une hausse de l’inflation.
(4) Représentation graphique des rendements des titres obligataires en fonction de leurs différentes échéances. Dans un environnement économique stable, sans pression
inflationniste et endettement excessif, les taux d’intérêt vont croissant avec la date d’échéance des titres obligataires.
(5) Source : Federal Reserve, mars 2022.
(6) Source : Morgan Stanley, mars 2022.
(7) Source : Goldman Sachs, mars 2022.
(8) Source : Bank of America, mars 2022.
(9) Source : JP Morgan, 24/02/2022.
(10) Propension à ajuster sa capacité à dépenser en fonction d’une appréciation ou d’une dépréciation de son patrimoine.
Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures, et ne sont pas constantes dans le temps. Les performances des indices sont calculées dividendes réinvestis